Montréal, le 1er novembre 2023 – Qu’est-ce qui détermine la structure de chaque cerveau humain et son évolution durant l’adolescence? Dans une nouvelle étude, la postdoctorante Zhijie Liao, le chercheur Tomas Paus et leurs collègues mettent en lumière le lien étroit qui existe entre l’activité cérébrale et un des processus de maturation du cerveau, l’amincissement du cortex.
Amincissement du cortex et asymétrie
Comme toutes les parties du corps humain, les hémisphères du cerveau ne sont pas parfaitement symétriques. Grâce aux données d’imagerie par résonance magnétique (IRM) de cerveaux d’une cohorte de 532 adolescentes et adolescents (cohorte IMAGEN), l’étude a pour la première fois démontré que l’asymétrie du cerveau change avec l’âge, et que chaque région du cortex et chaque hémisphère s’amincit à un rythme différent. Ainsi, l’hémisphère droit s’amincit plus rapidement que l’hémisphère gauche, à quelques exceptions près. Mais même au sein de chaque hémisphère, l’amincissement se produit à un rythme différent d’une région à l’autre. « Donc, la différence de taille entre les hémisphères n’est pas la même à 14 ans qu’à 22 ans, explique Tomas Paus. Par contre, au début de l’âge adulte, l’asymétrie entre les deux hémisphères s’est quasiment stabilisée. »
Activité cérébrale, neurotransmetteurs et maturation
Cherchant à identifier les racines de ce processus et de l’asymétrie, l’étude a également démontré que le rythme d’amincissement reflète la densité des récepteurs des neurotransmetteurs, ces substances qui permettent la communication entre les cellules du cerveau. Ainsi, plus il y a de récepteurs de neurotransmetteurs dans une zone donnée, plus cette zone s’amincit rapidement. Autre découverte : plus les zones correspondantes dans l’hémisphère droit et l’hémisphère gauche communiquent entre elles et agissent de concert, plus leur rythme d’amincissement est semblable. « Il s’agit ici d’une corrélation, précise Tomas Paus, mais il semble que plus on utilise une région du cerveau, plus elle a tendance à maturer vite. Il est possible que l’organisation du système de neurotransmetteurs soit d’origine génétique, mais la façon d’utiliser notre cerveau a un impact par la suite. »
Pour certaines psychopathologies, pour lesquelles on a identifié une asymétrie jugée anormale, cela permettrait éventuellement de modifier cette structure en changeant l’activité et la fonction cérébrale. « Si ces résultats se confirment, cela signifie que nous pourrions par exemple donner des exercices personnalisés pour stimuler la maturation du cerveau jusque dans sa structure!, se réjouit le chercheur. Tout comme on peut prescrire des exercices pour améliorer la force de certains muscles sous-utilisés, on pourrait par exemple aider à stimuler des régions du cerveau qui sont moins actives chez un individu. »
À propos de l’étude
L’article « Hemispheric asymmetry in cortical thinning reflects intrinsic organization of the neurotransmitter systems and homotopic functional connectivity » a été publié le 13 octobre 2023 par Zhijie Liaoa, Tobias Banaschewski , Arun L. W. Bokde, Sylvane Desrivières, Herta Flor, Antoine Grigis, Hugh Garavan, Penny Gowland, Andreas Heinz, Bernd Ittermann, Jean-Luc Martinot, Marie-Laure Paillère Martinot, Eric Artiges, Frauke Nees, Dimitri Papadopoulos Orfanos, Luise Poustka, Sarah Hohmann, Sabina Millenet, Juliane H. Fröhner, Michael N. Smolka, Henrik Walter, Robert Whelan, Gunter Schumann, Tomas Paus et le Consortium IMAGEN dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS)
https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2306990120