MONTRÉAL, le 19 juillet 2023 – Identifier un nouveau mécanisme d’action impliqué dans la dystrophie myotonique de type 1 ou DM1, une maladie rare incurable qui affecte notamment les muscles des personnes atteintes : c’est ce qu’ont réalisé les chercheurs et physiothérapeutes Nicolas Dumont du CHU Sainte-Justine et Elise Duchesne du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux (CIUSSS) du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Alliant leur expertise clinique et fondamentale, ils ont réussi à identifier une « signature » moléculaire liées aux déficiences musculaires de cette maladie grâce à l’étude des cellules souches musculaires. Cette percée majeure a mené à l’identification d’un nouveau biomarqueur lié à la gravité de la maladie et à l’élaboration d’une thérapie prometteuse qui permettrait l’amélioration de la capacité musculaire.
À gauche : Nicolas Dumont, Photo © CHU Sainte-Justine (Véronique Lavoie)
À droite : Elise Duchesne, Photo © CHU CR-CSIS (Justine Latour)
Les résultats de cette étude ont été publiés aujourd’hui dans Nature Communications.
Ces résultats sont porteurs d’espoir pour toutes les personnes atteintes de la DM1, et notamment pour Adam, qui a participé à divers projets de recherche menés au CIUSSS du Saguenay–Lac-Saint-Jean.
« J’ai su que j’étais atteint de la maladie assez tardivement, soit à l’âge de 35 ans même si dès la vingtaine, j’avais déjà des spasmes musculaires et d’autres inconforts. D’abord enseignant, j’avais de la difficulté à sourire en raison de l’affaissement des muscles de mon visage, ce qui intimidait les enfants du primaire. Je travaille maintenant en entreprise, un emploi qui me permet de demeurer assis et d’être productif même avec mes limitations. Malgré la maladie, j’ai une belle vie épanouie! Dans ma famille élargie, il y a environ une vingtaine de personnes qui souffrent de la DM1 et trois autres dans mon environnement de travail. Et la maladie n’atteint pas seulement les muscles. Elle peut prendre différentes formes et atteindre le sommeil, la digestion, la vue, le rythme cardiaque, le système reproducteur, la dextérité, etc. Ça peut être très incommodant. Je souhaite que mon fils et toutes les personnes atteintes puissent bénéficier des avancées de la recherche. »
© Courtoisie de Adam Smith
La nécessité de collaborer en maladies rares
Alors qu’en moyenne une personne sur 8000 souffre de la DM1 dans le monde, au Saguenay–Lac-Saint-Jean, la prévalence est impressionnante, avec une personne atteinte sur 500. Ainsi, la région est un véritable laboratoire vivant pour l’étude de plusieurs maladies rares, dont la DM1, permettant aux scientifiques de générer de nombreuses connaissances cliniques au courant des quatre dernières décennies. Parmi ceux-ci, Elise Duchesne, également professeure titulaire à l’Université du Québec à Chicoutimi, a bâti dans les 10 dernières années une importante biobanque de tissus incluant plusieurs biopsies musculaires collectées chez des personnes atteintes de DM1. Pour cette étude, elle a joint ses forces à celles de Nicolas Dumont, expert dans le domaine des cellules souches musculaires, pour permettre l’avancement des connaissances sur cette maladie. La collaboration entre chercheuses et chercheurs dans le domaine des maladies rares revêt une importance capitale en raison de leur caractère rare et complexe.
Identification d’une signature moléculaire en DM1 liée aux déficiences musculaires
Les cellules souches musculaires jouent un rôle essentiel dans le processus de croissance et de régénération des fibres musculaires. Or, dans la DM1, le processus de régénérescence est retardé. Les analyses moléculaires approfondies réalisées par Nicolas Dumont, aussi professeur agrégé à l’Université de Montréal, ont permis d’obtenir la liste complète des gènes dérégulés dans les cellules souches musculaires provenant de personnes atteintes de DM1. Cette signature moléculaire a permis d’identifier un sous-groupe de cellules souches musculaires vieillissantes, aussi appelées sénescentes, qui produisent un environnement inflammatoire toxique pour les cellules saines.
Menant plus loin les travaux, l’équipe de recherche a démontré que le niveau d’expression de l’une des molécules exprimées par les cellules dysfonctionnelles, l’interleukine 6, est fortement liée à la faiblesse musculaire et aux incapacités fonctionnelles vécues par les personnes atteintes. Une simple prise de sang indique la gravité de l’atteinte musculaire et pourrait ainsi orienter le travail des cliniciens.
Une avenue thérapeutique prometteuse
Forts de ces nouvelles connaissances, Nicolas Dumont et son équipe ont testé plusieurs sénolytiques, des médicaments qui ont la capacité d’éliminer spécifiquement les cellules sénescentes, dans le but d’identifier une nouvelle avenue thérapeutique. L’équipe a ainsi démontré qu’un des sénolytiques est efficace pour éliminer les cellules souches musculaires sénescentes et ainsi réduire l’environnement inflammatoire toxique, et ce, sans affecter les cellules saines. Ce médicament est déjà utilisé dans des essais cliniques pour d’autres conditions. Grâce à cette molécule, lors des tests en laboratoire, les cellules souches musculaires provenant de personnes atteintes de DM1 ont retrouvé la capacité de se multiplier, favorisant ainsi le processus de régénération. Ce même résultat a été observé lors de tests effectués sur des souris. « Ces résultats sont extrêmement prometteurs, affirme Nicolas Dumont. Nous comptons maintenant poursuivre nos analyses afin d’en arriver éventuellement à des essais cliniques pour démontrer l’efficacité de ce traitement chez les personnes atteintes de DM1 ».
« Pour les personnes atteintes de DM1, il s’agit d’une avancée majeure, car non seulement nous sommes maintenant en mesure de mieux comprendre cette maladie rare, mais nous disposons d’informations qui contribueront à améliorer le continuum de soins et services. Cette percée vient démontrer l’importance de la collaboration entre équipes de recherche. Ces connaissances ont été générées grâce aux efforts conjugués des chercheuses et chercheurs du CIUSSS du Saguenay–Lac-Saint-Jean et du CHU Sainte-Justine qui ont mis en commun leurs expertises respectives, et aussi, grâce à notre bassin régional de personnes atteintes de DM1 et à l’importante banque de tissus dont nous disposons », affirme Elise Duchesne.
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À propos du Centre de recherche du CHU Sainte-Justine
Le Centre de recherche du CHU Sainte-Justine est un établissement phare en recherche mère-enfant affilié à l’Université de Montréal. Axé sur la découverte de moyens de prévention innovants, de traitements moins intrusifs et plus efficaces et d’avenues prometteuses de médecine personnalisée, il réunit 295 chercheuses et chercheurs dont plus de 163 œuvrent en clinique et plus de 580 étudiantes, étudiants et stagiaires de recherche postdoctorale. Le centre est partie intégrante du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, le plus grand centre mère-enfant au Canada.
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