Mettre en commun les données combinant génétique et neuroimagerie cérébrale disponibles à l’échelle mondiale : c’est l’ambition du Dr Sébastien Jacquemont, généticien et chercheur au CHU Sainte-Justine. Au cours des prochaines années, grâce à un important financement du National Institute of Mental Health (NIMH), il contribuera à mettre sur pied un vaste consortium international ayant pour objectif d’analyser l’effet des variants ou mutations génétiques rares sur la structure et la fonction cérébrales. Cet ambitieux projet devrait permettre de mieux comprendre pourquoi ces variants augmentent le risque de développer certains troubles cognitifs ou de santé mentale.
Accélérer les recherches grâce à un consortium international structuré
Jusqu’à maintenant, les recherches sur l’effet des variants rares étaient réalisées à travers des collaborations ponctuelles, en utilisant des fonds provenant de l’une ou l’autre des institutions. Un nouveau financement sur sept ans du NIMH vient changer la donne : grâce à deux subventions totalisant environ 7M$, dont l’une est coordonnée par le Dr Jacquemont au CHU Sainte-Justine, il sera possible de systématiser les collaborations à travers un véritable consortium international réunissant trois universités américaines, l’Université d’Oslo en Norvège, l'organisme DeCODE genetics en Islande, ainsi que le Centre de recherche du CHU Sainte-Justine. Cette structure permettra de répartir les tâches afin d’agréger, harmoniser et analyser les données existantes de cohortes internationales, pour un total d’environ 150 000 individus.
Le projet s’appuiera également sur l’expertise et sur la nouvelle capacité du CHU Sainte-Justine en matière d’imagerie cérébrale pédiatrique. « Les mutations rares les plus sévères ne se trouvent pas dans les données de la population générale, qui représentent la majorité des données disponibles. Heureusement, grâce au Centre Imagine et à la nouvelle plateforme de recherche en neuroimagerie pédiatrique (C-PIP) du CHU Sainte-Justine, il sera possible d’obtenir des données sur l’impact de ces variants, dont la nature est unique. Ce sont des patientes et patients suivis en pédopsychiatrie, que l’on doit donc évaluer en milieu hospitalier. »
Variants génétiques rares : des effets importants, mais encore méconnus
Comme leur nom l’indique, les variants génétiques rares sont peu fréquents dans la population générale. Lorsqu’ils sont présents toutefois, ils peuvent avoir des effets délétères marqués et augmentent de manière importante le risque de développer certains troubles psychiatriques graves, comme la schizophrénie, ou encore un trouble du spectre de l’autisme (TSA).
Or, on en sait encore très peu sur les mécanismes qui sous-tendent cette augmentation du risque, ou même de l’effet réel de chaque mutation. « Ça fait des années qu’on se demande pourquoi ces variants augmentent le risque, souligne le Dr Sébastien Jacquemont. Est-ce qu’on peut comprendre les altérations des structures et fonctions cérébrales associées à ces mutations? Pour l’instant, on ne sait pas ce qu’elles font. Est-ce qu’elles touchent le langage? L’anxiété? D’autres composantes? » Pour y voir plus clair, le médecin a analysé des jeux de données de grande taille. Cette étude, dont les résultats ont été publiés dans l’American Journal of Psychiatry, a permis d’observer les effets des variants rares sur plusieurs structures et fonctions cérébrales, notamment sur la croissance de la surface corticale et la connectivité fonctionnelle. « Nous avons des premières indications à l’effet qu’il est possible et réaliste d’observer l’impact de ces mutations sur le cerveau. Mais pour vraiment comprendre comment chaque mutation affecte chaque structure ou fonction, cela prend maintenant des études sur des jeux de données de très, très grande taille. C’est un travail colossal qui nécessite la contribution de nombreuses personnes. » La mise sur pied du consortium est donc cruciale puisqu’elle permettra une collaboration structurée et pérenne.
À terme, les informations résultant de l’analyse des données agrégées se révéleront utiles non seulement pour mieux comprendre l’impact des variants rares sur le cerveau, mais aussi pour poser des diagnostics plus précis afin d’assurer une prise en charge personnalisée et adaptée à la condition de chaque personne.
Photo : © CHU Sainte-Justine (Véronique Lavoie)
À propos du projet :
Le projet « Understanding Rare Genetic Variation and Disease Risk: A Global Neurogenetics Initiative » est dirigé par trois chercheurs principaux : Sébastien Jacquemont (CHU SAINTE-JUSTINE), Carrie Bearden (UNIVERSITY OF CALIFORNIA LOS ANGELES - UCLA) et Paul Thompson (UNIVERSITY OF SOUTHERN CALIFORNIA), en collaboration avec Ole Andreassen (UNIVERSITY OF OSLO), Tomas Paus (CHU SAINTE-JUSTINE), Danilo Bzdok (McGILL UNIVERISTY), Michael Gandal (UCLA), Gil Hoftman (UCLA), Ida Sonderby (UNIVERSITY OF OSLO) et Terje Narland (UNIVERSITY OF OSLO). Le financement est assuré par le National Institute of Mental Health (NIMH) aux États-Unis.