MONTRÉAL, le 22 octobre 2024 – La consommation de cannabis entraînerait un amincissement du cortex cérébral chez les adolescentes et adolescents, selon une récente étude réalisée dirigée par Graciela Piñeyro et Tomas Paus, chercheurs au CHU Sainte-Justine. Grâce à une collaboration entre deux laboratoires de recherche aux approches complémentaires, l’étude démontre que le THC – ou tétrahydrocannabinol, une substance active dans le cannabis – a pour conséquence un rétrécissement de l’arborisation dendritique, un « réseau d’antennes » des neurones dont le rôle est critique pour la communication entre ces neurones. Cela aurait pour résultat une atrophie de certaines régions du cortex cérébral – une mauvaise nouvelle, à un âge où le cerveau est en pleine maturation.
« Si on prend l’analogie du cerveau comme ordinateur, les neurones seraient le processeur central et celui-ci recevrait toutes les informations par le réseau de dendrites à travers les synapses », explique Tomas Paus, également professeur de psychiatrie et de neurosciences à l’Université de Montréal (photo-ci-contre). « Donc une diminution de l’entrée de données vers le processeur central pose un enjeu pour la capacité du cerveau à apprendre de nouvelles choses, à interagir avec les autres personnes, à faire face aux situations nouvelles, etc. En d’autres termes, le rétrécissement du réseau de dendrites rend le cerveau plus vulnérable à tout ce qui peut survenir dans la vie d’un jeune. »
Une approche multi-niveaux pour mieux comprendre l’effet chez l’humain
Ce projet se démarque particulièrement par l’aspect complémentaire et multi-niveaux des méthodes utilisées. « Grâce à l’analyse des imageries par résonance magnétique (IRM) de cerveaux d’une cohorte d’adolescents, nous avions déjà démontré que les jeunes qui ont consommé du cannabis avant l’âge de 16 ans avaient un cortex cérébral plus mince », explique Tomas Paus. « Or, cette méthode de recherche ne permet pas de tirer des conclusions sur la causalité, ni de vraiment comprendre l’effet du THC sur les cellules du cerveau. »
Face à cette limite des IRM, l’introduction du modèle murin de l’équipe de Graciela Piñeyro constitue un ajout essentiel. « Grâce à ce modèle, il a été possible de démontrer que le THC modifie l’expression de certains gènes affectant la fonction et la structure des synapses et des dendrites », précise la chercheuse, aussi professeure au département de pharmacologie et physiologie de l’Université de Montréal. « Il en résulterait une atrophie de l’arborescence dendritique, responsable de l’amincissement observé dans certaines régions du cortex. » Fait intéressant, ces gènes identifiés chez la souris ont été aussi retrouvés chez l’humain, en particulier dans les régions plus minces du cortex des jeunes de la cohorte qui avaient consommé du cannabis. En combinant leurs approches, les deux chercheurs ont pu déduire avec un haut degré de certitude que les gènes ciblés par le THC dans le cerveau des jeunes et dans celui des modèles murins sont affectés de manière similaire.
À l’heure où la consommation de cannabis est en hausse chez les jeunes nord-américains et où les produits commerciaux de cannabis offrent des concentrations croissantes de THC, il devient impératif d’améliorer notre compréhension des effets de cette substance sur la maturation cérébrale et la cognition. La collaboration fructueuse des deux équipes de recherche, qui ont su mettre à profit des techniques de pointe en biologie cellulaire et moléculaire, en imagerie et en analyse bio-informatique, représente un pas dans la bonne direction pour le développement de mesures efficaces de santé publique.
Graciela Piñeyro, au centre, accompagnée de la postdoctorante Iness Charfi et de l'associé de recherche Derek Robertson. © CHU Sainte-Justine