Montréal, le 28 mai 2024 – Qu’est-ce qui détermine l’âge des premières règles et de la ménopause chez les femmes? Selon une nouvelle étude dirigée par la Dre Despoina Manousaki, endocrinologue et chercheuse au CHU Sainte-Justine, une partie de la réponse se trouverait du côté du métabolisme des acides gras, notamment les oméga-3 et les oméga-6 et la phosphatidylcholine. L’analyse, basée sur des bases de données incluant les génomes de plusieurs centaines de milliers d’individus, montre en effet que le niveau sanguin de ces substances produites par le métabolisme (ou métabolites) joue un rôle causal pour déterminer la longévité reproductive, tel que l’âge des premières règles et de la ménopause. Toutefois, d’autres facteurs qui influencent le profil lipidique, comme l’indice de masse corporelle (IMC), peut modifier cet effet sur l’âge des premières menstruations.
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De nouveaux biomarqueurs identifiés
Jusqu’à présent, on en savait encore peu sur le rôle du métabolisme et des métabolites sur l’âge des premières règles et de la fin de la période reproductive. Or, compte tenu de l’impact de ces événements sur la santé des femmes, il est crucial de mieux comprendre les processus à l’œuvre. « Notre objectif était d’identifier de nouveaux biomarqueurs, explique la Dre Manousaki, également professeure à l’Université de Montréal. Nous avons donc testé plusieurs centaines de métabolites sur des bases de données pangénomiques de filles et de femmes pour voir s’il existe une relation de causalité entre ces substances et l’âge de ménarche et de la ménopause. Nos analyses ont démontré que c’est le cas des acides gras, tels que certaines phosphatidylcholines, ainsi que les oméga-3 et oméga-6. »
Par ailleurs, comme l’âge des premières règles tend à être plus jeune chez les filles avec un excès de poids, et qu’il existe des liens entre l’obésité et la ménopause précoce, la Dre Manousaki et son équipe ont également voulu vérifier l’impact de l’IMC comme facteur intermédiaire. En utilisant des bases de données pangénomiques et des mesures directes des métabolites sanguins chez les filles et les femmes d’une cohorte britannique, ils ont constaté que l’effet des oméga-3 et oméga-6 reste significatif sur l’âge de ménopause et ce, peu importe l’IMC. Toutefois, l’impact de certains acides gras sur l’âge des premières menstruations disparait quand on tient compte de ce facteur, ce qui renforce l’hypothèse de l’association entre obésité et puberté précoce. Malgré tout, il est possible que d’autres facteurs liés au style de vie non inclus dans l’étude, comme l’activité physique ou le régime alimentaire, agissent aussi comme facteurs intermédiaires.
Une cible thérapeutique à explorer
Une meilleure compréhension du rôle que jouent les lipides dans la longévité reproductive des femmes pourrait permettre leur utilisation à des fins thérapeutiques ou préventives. Bien que leurs mécanismes d’action sur la longévité reproductive demeurent inconnus, on peut penser qu’ils sont attribuables au moins en partie à leurs propriétés anti-inflammatoires. Est-ce à dire que toutes les filles et les femmes devraient prendre, par exemple, des suppléments en acides gras oméga-3 et –6? « Notre étude démontre que ces acides gras sont des biomarqueurs liés à l’âge de la ménarche et de la ménopause, mais leur utilité thérapeutique doit être vérifiée au moyen d’essais cliniques », précise Isabel Gamache, associée de recherche et co-autrice. « D’autres recherches seront donc nécessaires pour déterminer l’implication clinique de cette découverte, par exemple si l’on devrait mesurer le niveau de ces métabolites dans le sang par des tests de routine, comme on le fait pour certaines vitamines ou minéraux », conclut-elle.