La dynamique comportementale et intercérébrale entre un adulte autiste et un autre neurotypique serait différente de celle entre deux personnes neurotypiques.
Telle est la conclusion d’une nouvelle étude menée par Guillaume Dumas, chercheur principal du laboratoire de psychiatrie de précision et de physiologie sociale au Centre de recherche Azrieli du CHU Sainte-Justine et professeur au Département de psychiatrie et d’addictologie de l’Université de Montréal.
Des différences dans l’interaction sociale
Dans ces travaux, le chercheur et son équipe ont réalisé une expérience d’imitation sociale en binôme, comparant des dyades exclusivement neurotypiques et des dyades composées d’une personne autiste et d’une personne neurotypique.
Les participants des dyades étaient assis dans des pièces séparées où ils étaient filmés et faisaient face à un écran projetant en direct l’image de leur partenaire. L’équipe leur demandait de bouger leurs mains de manière aléatoire et non signifiante. À leur guise, ils pouvaient soit imiter les gestes de l’autre transmis par la caméra ou produire leurs propres mouvements de la main.
L’équipe a mesuré la synchronisation intercérébrale des duos en utilisant l’hyperscanning-EEG, une technique qui permet d’enregistrer simultanément l’activité cérébrale de plusieurs sujets. À ce chapitre, rappelons qu’il y a quelques années Guillaume Dumas a démontré que des cerveaux humains engagés dans une interaction sociale ont tendance à se synchroniser spontanément. En d’autres mots, leurs rythmes électriques oscillent à la même fréquence.
Cette fois-ci, la synchronisation entre les cerveaux des participants dans les duos mixtes s’est avérée moindre que celle dans les paires uniquement neurotypiques. Par ailleurs, les résultats ont révélé que les personnes autistes étaient enclines à davantage suivre les mouvements de leur vis-à-vis qu’à bouger leurs mains indépendamment de ce qu’elles voyaient.
« Nous avons remarqué que les sujets autistes étaient tout aussi capables de reproduire le comportement d’autrui et de synchroniser leurs mouvements. Toutefois, c’est sur le plan du “tour de parole” que cela fluctuait, au sens où ils avaient moins tendance à amorcer un geste », indique le chercheur, membre académique associé à Mila – l’Institut québécois d’intelligence artificielle – et titulaire de la Chaire IVADO en intelligence artificielle et en santé mentale.
Un changement de perspective
Pour Guillaume Dumas, cette différence dans le tour de parole plutôt que dans l’aptitude à imiter invite à considérer l’autisme comme « une condition relationnelle plutôt qu’un trouble propre à une personne ».
En optant pour cette perspective interpersonnelle, on se concentre moins sur les (in)capacités individuelles. « L’interaction sociale altérée est bidirectionnelle. Or, on ne dirait jamais que les personnes neurotypiques ont un déficit en cognition sociale. Pourtant, elles aussi ont du mal à comprendre les personnes autistes. Si l’interaction est plus ardue, la responsabilité revient à toutes les personnes concernées », estime le professeur.
En faisant valoir une vision relationnelle de l’autisme qui tient davantage compte de la diversité des individus, Guillaume Dumas espère ouvrir la voie à une approche plus préventive et inclusive de la santé mentale.