Montréal, le 8 juillet 2024 – Deux nouvelles études réalisées dans le cadre du réseau de recherche pancanadien POPCORN (Pediatric Outcome ImProvement through Coordination of Research Networks) apportent un nouvel éclairage sur la santé mentale des jeunes durant la pandémie de COVID-19. Dirigées par la Dre Nadia Roumeliotis, clinicienne-chercheuse au CHU Sainte-Justine, ces études démontrent globalement une baisse des taux d’hospitalisation des jeunes canadiennes et canadiens pour des enjeux liés à la santé mentale entre 2020 et 2023. Les tendances divergent toutefois selon le type de trouble. En effet, on remarque notamment une hausse des hospitalisations pour un trouble de la conduite alimentaire, et ce, tant pour les garçons que pour les filles. Les analyses rapportent en outre que les mesures de santé publique imposées au Canada durant la pandémie de COVID-19 seraient directement liées à l’augmentation du taux d’hospitalisation chez les adolescentes de 12 à 17 ans pour cette condition. Ces résultats soulignent l’importance de prendre en compte les effets indirects des mesures sanitaires lors de la gestion des pandémies, et ce, afin de prévenir la propagation du virus tout prenant soin du bien-être des jeunes.
Une baisse des hospitalisations… mais seulement pour certains troubles de santé mentale
La première étude, publiée dans JAMA Network Open, s’est penchée sur l’évolution du nombre d’hospitalisations chez les jeunes de six à 20 ans pour des questions de santé mentale, entre les périodes pré-pandémique (1er avril 2016 au 31 mars 2020) et pandémique (1er avril 2020 au 31 mars 2023). L’analyse des données d’environ six millions de jeunes canadiennes et canadiens a permis de constater une baisse de 7,2% des taux d’hospitalisation pour un problème de santé mentale, passant de 51,6 à 47,9 par 10 000 personnes par an. On note également une diminution pour ce qui est des troubles de l’humeur, d’abus de substances ou une schizophrénie. Toutefois, une hausse des hospitalisations a été observée chez les filles pour des symptômes d’anxiété et des comportements autodestructeurs ou suicidaires. Les hospitalisations pour des troubles de la conduite alimentaire ont également augmenté de 64,6% en moyenne entre les deux périodes – chez les garçons et les filles, mais principalement chez les adolescentes de 12 à 17 ans.
Troubles alimentaires : des mesures sanitaires plus strictes, des hospitalisations plus nombreuses
Ces dernières données ont incité la Dre Roumeliotis et son équipe à poursuivre les recherches dans une deuxième étude, publiée dans JAMA Pediatrics, afin de mieux cerner l’impact des mesures sanitaires sur les troubles alimentaires chez les jeunes. En utilisant les données administratives obtenues par la plateforme collaborative POPCORN, l’équipe a constaté une augmentation significative du taux d’hospitalisation des filles de 12 à 17 ans après mars 2020, tant pour le Québec (+42%) et l’Ontario (+50%) que pour les Prairies (+41%). Cependant, les chiffres sont beaucoup plus élevés si l’on regarde mars 2021 : « Nos analyses montrent que les taux d’hospitalisation ont atteint un sommet un an après le début de la pandémie, précise la Dre Nadia Roumeliotis, également professeure adjointe à l’Université de Montréal. Dans toutes les régions canadiennes que nous avons étudiées, les taux étaient alors plus que le double de ce qui était prévu par les tendances pré-pandémiques. C’est énorme! »
L’étude montre en outre une association entre l’Index de rigueur des mesures sanitaires pour la COVID-19 de la Banque du Canada et le taux d’hospitalisation pour trouble alimentaire. Ainsi, à chaque hausse de 10% de cet index de rigueur, on voit une hausse de 5% des taux d’hospitalisations au Québec et en Ontario, de 8% dans les Prairies et de 11% en Colombie-Britannique.
Vers une meilleure prise en compte des effets indirects des mesures sanitaires
Les résultats de ces deux études mettent en lumière la nécessité de soutenir les adolescentes vivant avec un trouble de santé mentale, notamment un trouble de la conduite alimentaire. Mais plus largement, elles soulignent aussi l’importance de mieux comprendre les impacts indirects et à long terme des mesures sanitaires sur la santé et le bien-être des jeunes, afin de mettre en place les ressources et les services appropriés. « C’est l’un des volets que nous continuerons d’étudier avec l’équipe dédiée aux conséquences indirectes, pour s’assurer que le Canada soit prêt à faire face à une autre pandémie », souligne la Dre Caroline Quach-Thanh, chercheuse au CHU Sainte-Justine et co-autrice de l’étude. L’équipe, qui inclut aussi les Dr Matthew Carwana et Quynh Doan du BC Children’s Hospital, en collaboration avec la chercheuse Sylvana Côté, la biostatisticienne Ofélie Trudeau-Ferrin et le Dr Baudouin Forgeot D’Arc, le Dr Soren Gantt du Centre de recherche Azrieli du CHU Sainte-Justine, ainsi que Katia Charland et Kate Zinszer de l’Université de Montréal, poursuit maintenant ses recherches auprès de jeunes avec expérience vécue, afin d’inclure leur perspective et de bonifier l’interprétation des résultats.
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À propos des études
L’article « Mental health hospitalizations in Canadian children, adolescents, and young adults over the COVID-19 pandemic » est publié par Nadia Roumeliotis et coll. dans la revue JAMA Network Open. DOI : 10.1001/jamanetworkopen.2024.22833
L’article « Relationship between pandemic stringency measures and hospital admissions for eating disorders » est publié par Nadia Roumeliotis et coll. dans la revue JAMA Pediatrics.
DOI : 10.1001/jamapediatrics.2024.2044
Le projet a été réalisé dans le cadre du projet POPCORN, dirigé par la Dre Caroline Quach-Thanh, qui bénéficie de financement des Instituts de recherche en santé du Canada. Le projet bénéficie aussi d’un soutien financier de l’Observatoire pour l’éducation et la santé des enfants (OPES).