Fabriquer des os sur mesure. Cette idée, qui semblait encore récemment relever de la science-fiction, devient de plus en plus accessible grâce aux avancées de la recherche en ingénierie tissulaire et en fabrication additive. Une équipe de chercheurs, dirigée par Isabelle Villemure et Carl-Éric Aubin (professeurs à Polytechnique Montréal), ainsi que la Dre Marie-Lyne Nault, et incluant l'étudiant au doctorat Mohammad Ali Bagheri, a publié une nouvelle étude ouvrant des perspectives passionnantes en santé de précision. Leur recherche se concentre sur l'ostéogenèse par distraction, une technique consistant à étirer lentement un os fracturé pour permettre la formation de nouveaux tissus osseux entre les deux parties.
Pour ce faire, l’équipe conçoit des échafaudages, des structures constituées de matériaux poreux qui soutiennent et guident la guérison osseuse en offrant un cadre où les cellules peuvent croître et se régénérer. L'optimisation de ces designs est réalisée à l'aide de l'apprentissage automatique pour améliorer les modèles et les structures, en ajustant les paramètres pour maximiser l'efficacité et les performances.
Fabrication de structures complexes
L'un des aspects clés des travaux de l’équipe est l'utilisation de la fabrication additive, en particulier le frittage sélectif par laser (SLS), une forme avancée d'impression 3D. Cette méthode consiste à solidifier des couches de poudre composée de polymères techniques, tels que le nylon (polyamide), pour créer des structures très poreuses avec des détails fins. La fabrication additive permet de créer des géométries complexes et d'explorer de nouvelles conceptions en ingénierie biomédicale.
Mohammad Ali Bagheri s'est inspiré d’un livre proposant des géométries complexes basées sur l'origami : « Il est possible de créer presque n'importe quoi avec du papier. Le défi était de parvenir à reproduire les principes de l'origami dans des métamatériaux. » Cette démarche l’a ainsi amené à concevoir des matériaux parfaitement adaptés. « L'origami permet de créer des structures avec des propriétés mécaniques spécifiques, telles que la déformabilité et la récupération. Ces designs sont évolutifs et peuvent être ajustés pour différentes tailles et propriétés, ce qui permet divers usages en ingénierie tissulaire ».
Cent fois sur le métier, mais une fois sur la plateforme!
Mohammad Ali Bagheri a également développé une plateforme de test virtuel utilisant l'apprentissage automatique bayésien. Cette plateforme permet d'optimiser les conceptions pour les différents os avant la production des échafaudages. En générant automatiquement des fichiers de conception assistée par ordinateur (CAO), la plateforme peut tester virtuellement des milliers de designs, économisant ainsi du temps et des ressources. Cette approche facilite ainsi la création de modèles prédictifs.
Applications potentielles à d'autres tissus
Bien que l'objectif principal des travaux soit l'ostéogenèse par distraction, cette technologie pourrait également servir pour combler d'autres formes de déficits osseux, par exemple dans les trauma ouverts et les infections. Le design pourrait éventuellement servir pour la réparation des tendons et des tissus mous. Les structures imprimées en 3D peuvent être testées pour leur biocompatibilité et leur réponse cellulaire, rendant les tests plus efficaces et précis.
De plus, en variant les paramètres influençant le comportement des cellules, la plateforme permet de comprendre et d'améliorer les réponses cellulaires. Cette approche interdisciplinaire nécessite la collaboration de diverses expertes et experts afin d'explorer ces pistes pour en valider pleinement le potentiel.

Photo © CHU Sainte-Justine (Véronique Lavoie)