MONTRÉAL, le 13 février 2025 – Quel est le lien entre les traitements contre le cancer pédiatrique et le développement d’arythmies cardiaques? Une nouvelle étude apporte des données importantes sur ces complications à long terme et souvent non diagnostiquées de la chimiothérapie pour le traitement de la leucémie lymphoblastique aigüe (LLA), le plus commun des cancers pédiatriques. Pour la Journée internationale du cancer de l’enfant et en plein Mois du cœur, zoom sur les résultats de cette recherche collaborative!
Des complications « silencieuses »
Bien que le taux de survie des enfants qui ont développé une LLA ait considérablement augmenté grâce aux progrès médicaux et atteigne maintenant près de 85%, un grand nombre de jeunes survivants développent des problèmes de santé suite à la chimiothérapie, notamment des complications cardiovasculaires. L’une de ces complications est le syndrome du QT long acquis, un type d’arythmie cardiaque causé par une anomalie électrique. Ce syndrome, qui n’est pas visible lorsqu’on regarde la structure du cœur, peut néanmoins entraîner des battements rapides et chaotiques qui sont déclenchés par l’exercice ou le stress. Le syndrome du QT long acquis peut parfois causer des évanouissements soudains ou des convulsions, et augmente le risque de développer des évènements potentiellement mortels comme un arrêt cardiaque.
Dans cette étude, on a ainsi demandé à près de 200 individus ayant survécu à une LLA dans l’enfance de passer des tests d’effort sur un tapis roulant. Résultat : 70% des personnes ayant un QT anormal durant l’exercice ne présentaient aucune anomalie au repos. En d’autres termes, un nombre significatif de personnes étaient sans le savoir à risque de complications cardiaques. De plus, 10% des personnes étaient classées comme « QT long », une forme sévère du syndrome.
« La chimiothérapie entraîne des changements dans les cellules myocardiques, explique la Dre Cecilia Gonzalez Corcia, cardiologue experte sur l’étude et clinicienne-chercheuse au CHU Sainte-Justine. Ces modifications qui ne s’expriment pas toujours au repos peuvent néanmoins entraîner des anomalies lorsque le muscle cardiaque est mis sous tension, par exemple lors d’une activité physique intense. »
Cette étude est la première à identifier et à caractériser des personnes survivantes de LLA pédiatrique présentant un allongement anormal de l’intervalle QT lors d’un test d’effort maximal. « Nos résultats mettent en lumière l’importance d’inclure des tests d’exercice pour le suivi en clinique des survivants d’un cancer pédiatrique, en particulier un test d'effort cardiopulmonaire standardisé, qui serait réalisé en plus de l'échocardiographie et de l’électrocardiogramme », précise Audrey Harvey, première autrice et doctorante au Centre de recherche Azrieli du CHU Sainte-Justine. L’étude souligne aussi le besoin de suivis médicaux réguliers, en particulier pour les personnes survivantes ayant reçu de plus hautes doses de chimiothérapie ou sur une plus longue période, ou encore celles qui souhaitent pratiquer un sport après leur rémission. Bien que ces tests ne fassent pas encore partie des recommandations officielles, l’étude souhaite contribuer à un consensus d’expertes et d’experts sur la question, afin de prévenir l’apparition de troubles cardiaques, d’en améliorer le diagnostic et d’assurer ainsi une meilleure santé et qualité de vie aux jeunes survivants d’un cancer.
À propos de l’article
L’article « Uncovering possible silent acquired long QT syndrome using exercise stress testing in long-term pediatric acute lymphoblastic leukemia survivors » est publié dans le International Journal of Cancer par Audrey Harvey et coll.
La recherche a bénéficié d’un soutien financier de l’Institut de recherche sur le cancer des Instituts de recherche en santé du Canada, en collaboration avec le Conseil C17, la Société canadienne du cancer, la Société de recherche sur le cancer, le Garron Family Cancer Centre à l’hôpital SickKids (Toronto), le Ontario Institute for Cancer Research (OICR), et le Pediatric Oncology Group of Ontario (POGO). La recherche a aussi été en partie financée par des subventions de la Fondations Cole, du Fonds de recherche du Québec – Santé, de la Fondation CHU Sainte-Justine et de la Fondation des étoiles. Elle a enfin été appuyée par une bourse postdoctorale de l’Institut TransMedTech.