À l’occasion de la Journée internationale d’action pour la santé des femmes, nous souhaitons mettre en lumière les réalités complexes et souvent invisibles que vivent de nombreuses femmes. Le témoignage de Caroline Leroux, mère d’une enfant atteinte du cytomegalovirus congénital (cCMV) et parent partenaire impliquée dans les travaux de la Dre Isabelle Boucoiran, illustre avec justesse les défis liés à la santé mentale, à la charge émotionnelle, et à la quête de sens dans un parcours de maternité marqué par l’incertitude.
Le CMV est un virus courant, souvent bénin chez les adultes, mais qui peut avoir des conséquences graves lorsqu’il est contracté pendant la grossesse. « Le cytomégalovirus (CMV) est un virus commun, comme la grippe. Chez la plupart des gens, il passe inaperçu, provoquant tout au plus un petit rhume. Mais lorsqu’une femme enceinte le contracte, il peut être transmis au fœtus et avoir des conséquences graves », explique Caroline. Dans son cas, le virus a été transmis à sa fille Jade, entraînant une surdité profonde et nécessitant un suivi médical intensif dès les premiers jours de vie.
Sentiment de culpabilité et charge mentale
Ce diagnostic a été un choc, accompagné d’un profond sentiment de culpabilité. « En tant que mère, tu te sens responsable d’avoir transmis quelque chose à ton enfant, même si tu n’avais aucun contrôle là-dessus. » Cette culpabilité, bien que rationnellement injustifiée, est une réalité émotionnelle puissante pour de nombreuses mères confrontées à des diagnostics prénataux ou néonataux.
À cette culpabilité s’ajoute une charge mentale importante, cette pression souvent ressentie par les mères de devoir penser à tout, d’organiser, d’anticiper - même lorsque les responsabilités sont partagées au sein du couple. « La femme doit être parfaite, à la maison, au travail… On porte énormément sur nos épaules. Apprendre à lâcher prise, ce n’est pas un échec personnel, c’est une réponse saine à une trop grande pression sociale. »
Faire partie d’une communauté et faire partie de la solution!
Face à cette réalité, Caroline a trouvé une forme de résilience en s’engageant comme parent partenaire dans la recherche sur le CMV. « M’intéresser à la recherche, à l’aspect plus théorique du virus, m’a aidé à accepter notre réalité. Ça m’a permis de me sentir utile, de contribuer autrement. » Être parent partenaire lui a permis de reprendre un certain contrôle sur une situation qui, au départ, lui échappait totalement.
Au fil du temps, cet engagement s’est transformé en une véritable vocation. Caroline participe à des projets de recherche, intervient dans des congrès et collabore avec des équipes médicales. Ce rôle l’amène à se reconnecter à elle-même, à retrouver une identité au-delà de celle de mère d’un enfant malade.
Mais au-delà de l’engagement personnel, c’est aussi le sentiment d’appartenance à une communauté qui a été transformateur. « Être parent partenaire m’a redonné de l’énergie, m’a permis de sortir de mon cocon familial et de réaliser que je n’étais pas seule. Et ce qui est frappant, c’est que la frustration est partagée : on est toutes passionnées, on veut parler du CMV, on veut sensibiliser! »
Être entendue, prise au sérieux, fait toute la différence. « Le fait que ma voix soit écoutée, analysée, qu’elle serve à construire quelque chose, ça fait partie de mon processus de guérison, ou d’acceptation. C’est ça qui est beau dans la recherche : ton expérience et ton témoignage sont pris au sérieux. »
Des parcours atypiques, une contribution essentielle
Caroline souligne aussi l’importance de reconnaître la santé des femmes dans toute sa complexité. Elle appelle à une plus grande ouverture, à une reconnaissance des parcours atypiques, et à une solidarité entre femmes. « C’est correct de chercher du soutien ailleurs. »
Son témoignage est aussi un appel à l’action pour les chercheuses et chercheurs : « Il faut oser demander la participation des parents, mais aussi respecter leurs limites. Je n’ai jamais senti de pression de la part des équipes de recherche et ça, c’est précieux. »
Aujourd’hui, Caroline se sent plus sereine. « Je me sens bien, plus en paix avec ma réalité familiale. Mais ça, c’est un cheminement. » Un cheminement fait de défis, de remises en question, mais aussi de découvertes, de rencontres, et d’un engagement profond pour faire une différence.

Photos : À gauche et à droite, Jade bébé et actuellement, à 6 ans. Au centre, Caroline, Jade, Patrick et Lily. © Gracieuseté
Clara Dallaire : une voix pour tracer la voie
En cette Journée internationale d’action pour la santé des femmes, Clara Dallaire, co-responsable du partenariat patient en recherche au CHU Sainte‑Justine, souligne combien le témoignage de Caroline illustre la nécessité d’élargir notre conception de la santé des femmes. « On associe encore trop souvent la santé des femmes à la seule sphère gynécologique, alors que les enjeux sont bien plus larges : santé mentale, charge émotionnelle, solitude, pression sociale… »
Clara met également en lumière l’importance de faire évoluer la recherche pour qu’elle reflète mieux la réalité des femmes. Elle cite l’exemple d’études sur le diabète de type 1, menées principalement chez de jeunes hommes actifs, dont les résultats ne sont pas transposables aux femmes. « Il y a encore beaucoup de chemin à faire, et ce chemin passera par la voix des femmes! »