MONTRÉAL, le 28 octobre 2025 - Maladie neurodégénérative rare touchant quasi exclusivement les filles, le syndrome de Rett est généralement diagnostiqué entre 6 et 18 mois, lorsque les premiers symptômes apparaissent. Pourtant, des études récentes menées par Anthony Flamier, chercheur au Centre de recherche Azrieli du CHU Sainte-Justine, révèlent que la mutation génétique responsable de 95 % des cas classiques de ce syndrome est présente dès le stade embryonnaire, avant même la formation complète du cerveau.
Grâce à des « mini-cerveaux » cultivés en laboratoire, le chercheur et son équipe peuvent observer l’évolution de la maladie dès ses tout premiers instants. Cette approche permet également de tester des molécules susceptibles d’inverser les atteintes neurodéveloppementales de cette maladie rare - et les données préliminaires sont très prometteuses.
Former des mini-cerveaux à partir de cellules de peau
À partir de biopsies cutanées de huit patientes, le chercheur a pu extraire des cellules nommées fibroblastes, qu’il a ensuite reprogrammées en cellules souches. Ces dernières sont ensuite différenciées pour former des amas de neurones appelés plaques corticales, recréant ainsi la morphologie du cerveau humain. « C’est ce qui se rapproche le plus du cerveau humain qu’on peut cultiver en laboratoire », explique Anthony Flamier. Ces plaques corticales sont ensuite placées dans un appareil muni d’électrodes appelée Maestro Pro, acquis grâce au soutien de la Fondation CHU Sainte-Justine, qui permet d’enregistrer l’activité électrique des neurones (photo ci-contre).
« Le signal électrique des neurones atteints du syndrome de Rett est très caractéristique : il forme un tracé en dents de scie, plutôt qu’en vagues. Nous avons démontré que cela est lié à un défaut du cil primaire, causé par la mutation génétique », précise le chercheur.
Le cil primaire : une antenne longtemps négligée
Depuis quelques années, le chercheur a identifié le gène dont la mutation est directement à l’origine de nombreux symptômes du syndrome de Rett. Cette mutation affecte le cil primaire des neurones, une minuscule organelle longtemps considérée comme inutile. « Le cil primaire agit comme mini-antenne sur chaque neurone, captant les signaux extérieurs, explique le chercheur. Même une mutation légère peut entraîner des symptômes très sévères. »
La bonne nouvelle? Certaines molécules déjà approuvées aux États-Unis – et utilisées en toute sécurité chez des patientes et patients pour traiter d’autres affections – ont démontré leur capacité à stabiliser le cil primaire. Avec les doctorantes Margaux Brin et Marion Guillon, le chercheur et son équipe évaluent actuellement l’effet de près de 70 de ces molécules sur l’activité électrique des neurones dans les mini-cerveaux. Les premiers résultats sont encourageants : déjà sept de ces traitements permettent de restaurer la structure du cil et de normaliser les signaux neuronaux, et quatre s’avèrent particulièrement efficaces. « La prochaine étape consistera à tester ces molécules à plus grande échelle, dans le cadre de collaborations internationales, précise Anthony Flamier. L’objectif est de déterminer si elles peuvent atténuer les symptômes chez l’ensemble des patientes et patients, ou seulement certains sous-groupes. » Un financement du programme des Futurs leaders de la recherche sur le cerveau 2025 de la Fondation Brain Canada permettra au chercheur et à son équipe de poursuivre ces travaux novateurs et porteurs d’espoir pour toutes les familles touchées par le syndrome de Rett.
Des cerveaux donnés à la science pour aller plus loin
Et qu’en est-il de l’ensemble du cerveau? Dans les prochains mois, le laboratoire d’Anthony Flamier recevra des échantillons de cerveaux humains d’individus décédés du syndrome de Rett, grâce à une biobanque américaine. L’objectif : déterminer si le défaut du cil primaire est spécifique à certains types de neurones ou s’il est généralisé à l’ensemble du cerveau.

De gauche à droite : Margaux Brin, Anthony Flamier et Marion Guillon. © CHU Sainte-Justine (Véronique Lavoie)