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mercredi 5 février 2025

Pédaler et réfléchir en même temps

Combiner mouvement et apprentissage, une fausse bonne idée? La chercheuse Marie-Eve Mathieu et son étudiant François Dupont ont voulu vérifier si les bureaux actifs et l’apprentissage faisaient bon ménage.

MONTRÉAL, le 5 février 2025 - De plus en plus populaires dans les écoles et les milieux de travail, les postes de travail actifs (assis-debout, avec pédalier, vélo stationnaire) sont souvent installés sans plus d’instructions. « C’est un peu comme les podomètres il y a 20 ans, alors qu’on espérait qu’une prescription de faire 10 000 pas par jour sans plus d’explications réglerait les problèmes de sédentarité, ce qui ne fut malheureusement pas le cas, compare Marie-Eve Mathieu, chercheuse au CHU Sainte-Justine et professeure à l’École de kinésiologie et des sciences de l’activité physique de l’Université de Montréal. C’est beau de bouger, mais qu’advient-il de l’apprentissage? »

Grâce à un financement du Programme d’appui aux initiatives de soutien à la réussite de l’UdeM, la professeure et son étudiant François Dupont, alors au doctorat en sciences de l’activité physique, ont proposé trois configurations pour une séance d’étude : un bureau classique (station sédentaire), un petit pédalier sous le bureau (intensité faible) et un vélo stationnaire (intensité moyenne). L’objectif? Comparer les effets de la sédentarité et de divers niveaux d’intensité du mouvement dans l’usage de bureaux actifs sur l’attention, la mémorisation et l’anxiété. 

Avantage : faible intensité

Pour ce faire, une cohorte étudiante de 24 personnes s’est déplacée par trois fois au Laboratoire Activité physique et santé au CEPSUM. Dans un environnement d’étude aménagé de façon le plus réaliste possible, incluant les distractions, chaque participant et participante ont regardé une vidéo de 30 minutes en s’assoyant, tour à tour, à un bureau standard, à un bureau muni d’un pédalier ou sur un vélo stationnaire. Leur niveau d’attention durant l’écoute de la vidéo était mesuré grâce à des lunettes permettant le suivi oculaire. Les sujets ont ensuite passé un test sur la plateforme StudiUM pour évaluer leur mémoire à court terme. 

Alors qu’un effort léger (pédalier sous le bureau) menait à d’aussi bons résultats pour l’apprentissage, sinon meilleurs, que d’étudier dans une position statique, le vélo stationnaire (intensité moyenne) demandait trop d’efforts pour permettre une attention soutenue. « Sur le vélo, les gens étaient essoufflés, et l’on sait que si, lorsqu’on exécute des tâches cognitivo-motrices, l’effort physique accapare beaucoup de nos capacités, c’est plus difficile de rester attentif sur la tâche cognitive », note François Dupont. Ainsi, les yeux des participantes et participants étaient fixés en moyenne huit minutes de moins sur la vidéo, par comparaison avec le visionnement sédentaire, et le score au test de mémorisation était diminué de neuf pour cent. L’activité d’intensité faible, elle, n’avait pas d’effet néfaste sur l’apprentissage, voire tendait à l’améliorer légèrement. 

Pour réduire l’anxiété, c’est par contre le vélo stationnaire qui l’emporte : en effet, bouger à intensité moyenne calmait le sentiment d’anxiété, notamment au cours du test de mémorisation. Même si ce résultat reste modeste, nuance François Dupont, il correspond à ce que dit la littérature sur l’activité physique d’intensité moyenne à élevée, à savoir qu’elle peut être un outil de gestion de l’anxiété. 

Au-delà de l’activité physique, contrer la sédentarité

On pourrait croire que les avantages d’une activité physique à faible intensité ne comptent pas. Or, suivre les recommandations en matière d’activité physique (soit de bouger au moins 150 minutes par semaine à une intensité de moyenne à élevée) ne compense pas complètement le fait de rester assis trop longtemps. 

« Quelqu’un peut être actif, aller au gym ou faire du sport quelques fois par semaine, mais être sédentaire [soit passer beaucoup de temps assis ou devant un écran durant le jour] », explique Marie-Eve Mathieu. « Le problème dans nos universités canadiennes, c’est que les étudiantes et étudiants sont assis en moyenne 9,8 heures par jour. La recommandation est de 8 heures par jour et, à partir de 6 heures, des effets néfastes sur la santé physique et mentale commencent à se manifester », souligne François Dupont. 

Les postes de travail actifs apparaissent comme une solution intéressante à cette trop grande sédentarité. « Ça ne demande pas plus de temps parce qu’on bouge pendant qu’on fait quelque chose », observe Marie-Eve Mathieu. Durant sa maîtrise, François Dupont a ainsi observé que proposer différents bureaux actifs (assis-debout et pédalier sous le bureau) permettait de remplacer jusqu’à deux heures de station sédentaire par de l’activité physique d’intensité faible dans la journée de travail. Les solutions actives peuvent être utilisées de façon variée selon la tâche, les préférences, le besoin ou l’état d’esprit des utilisateurs: pédaler en révisant ses notes de cours pour évacuer le stress, s’asseoir sur un ballon d’exercice lors d’une visioconférence… « Il faut rendre les tâches sédentaires plus actives tout en respectant le but premier de la tâche », résume la chercheuse.

Celle-ci poursuit ces travaux sur le sujet : « On étudie présentement la réponse alimentaire mesurée dans ce projet, à savoir si bouger pendant l’apprentissage a des effets sur le repas qui suit. Plus largement, on voudrait aussi tester les bureaux actifs dans des classes. On pourrait également reprendre le projet en jouant sur la durée de l’utilisation plutôt que sur l’intensité. » Elle travaille par ailleurs, en collaboration avec la Direction des ressources humaines de l’UdeM, sur des capsules vidéos pour sensibiliser les gestionnaires de l’Université à l’utilisation des postes de travail actifs notamment. « Beaucoup de personnes s’équipent, mais on ne sait pas trop comment les utiliser », rappelle-t-elle.

Une chose est sûre : ce ne sont pas les sujets de recherche qui manqueront dans les prochaines années, alors que les emplois sont de plus en plus sédentaires, et encore davantage pour les personnes qui font du télétravail. « On est dans les débuts des recherches sur la sédentarité. C’est vraiment un champ à découvrir », s’enthousiasme Marie-Eve Mathieu.

Marie-Ève Mathieu et François Dupont

©  Université de Montréal (Amélie Philibert)

Autre source / renseignements

Catherine Couturier, UdeM Nouvelles, Université de Montréal

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Mise à jour le 5 février 2025
Créée le 5 février 2025
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