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mardi 8 avril 2025

Réduire le bruit dans la pharmacie du CHU Sainte-Justine

Des chercheurs ont analysé les principales sources de bruit dans la pharmacie du CHU Sainte-Justine et ont formulé des recommandations pour le réduire.

Depuis plus de trois décennies, Tony Leroux, professeur en audiologie à l'École d'orthophonie et d'audiologie de l’Université de Montréal, étudie les répercussions du bruit sur notre santé. De son côté, Jean-François Bussières, pharmacien à l'Unité de recherche en pratique pharmaceutique du CHU Sainte-Justine et professeur de clinique à la Faculté de pharmacie de l’UdeM, s’intéresse aux pratiques pharmaceutiques. Ensemble, ils ont combiné leurs expertises pour étudier une question encore peu explorée : le niveau sonore dans les pharmacies hospitalières. 

Il y a une dizaine d'années, ils ont réalisé une première cartographie sonore des locaux de la pharmacie du CHU Sainte-Justine. Puis, après son déménagement dans de nouvelles installations en 2022, ils ont entrepris une analyse plus approfondie pour savoir si des améliorations avaient bien été apportées. 

Cette étude a été faite en collaboration avec Ilona Béatrix et Elsa Bonnabry, stagiaires en pharmacie sous la direction de Jean-François Bussières, ainsi que le pharmacien Maxime Thibault et la pharmacienne chef-adjointe Suzanne Atkinson au Service pharmaceutique du CHU Sainte-Justine. 

Des niveaux sonores préoccupants

Ilona Béatrix et Elsa Bonnabry ont mesuré à l’aide d’un sonomètre les niveaux de bruit dans 30 zones de la pharmacie du CHU Sainte-Justine tels les lieux d’entreposage et de préparation des médicaments.  

Ces mesures révèlent que le bruit ambiant de la pharmacie oscille entre 40 et 71 décibels A (dBA), dépassant largement le seuil recommandé pour un lieu de travail où s’effectuent des activités qui exigent une grande concentration, soit un niveau de 35 à 40 dBA.  

La ventilation constitue la principale source de bruit de fond, atteignant parfois 40 dBA à elle seule. Mais la ventilation est essentielle en pharmacie. « Dans toutes nos salles de préparation, nous cherchons à réduire la concentration de particules en suspension, car elles peuvent véhiculer des virus et bactéries. Pour cela, nous avons besoin de nombreux changements d’air: environ 30 par heure dans les zones de préparation, contre 5 à 6 dans un bureau classique. Cette circulation d’air implique l’utilisation de moteurs et de conduits qui engendrent du bruit », explique Jean-François Bussières.  

À cela s’ajoutent les bruits intermittents des équipements tels que les réfrigérateurs et les mélangeurs. « Nous utilisons des machines qui emballent les médicaments: elles font tomber des comprimés ou des sachets sont scellés avec des presses adhésives. Ces processus mécaniques sont bruyants », ajoute-t-il. 

Enfin, les interactions humaines contribuent également à l’élévation du niveau sonore: conversations entre professionnels, appels téléphoniques et déplacements dans les locaux. Les relevés ont aussi mis en évidence des pics de bruit atteignant 71 dBA, principalement dans les locaux comportant un nombre élevé de changements d’air à l’heure et dans les nombreuses enceintes destinées aux préparations stériles de médicaments. 

Un effet direct sur la concentration et la sécurité

L’exposition prolongée au bruit a un effet direct sur la charge cognitive des personnes travaillant en pharmacie. « Une conversation normale se déroule dans un environnement autour de 50 dBA. Au-delà, il faut élever la voix pour se faire comprendre, ce qui exige un effort supplémentaire. Communiquer dans un environnement bruyant est plus fatigant, car cela exige une vigilance accrue pour transmettre des informations précises », souligne Tony Leroux. 

Une fatigue qui pourrait avoir des conséquences dramatiques au CHU Sainte-Justine, où sont soignés des nourrissons et de jeunes enfants. « En pédiatrie, une simple erreur de virgule peut se produire très facilement par inattention : écrire “10” au lieu de “1” ou “100” au lieu de “10”! Comme nous travaillons avec des bébés de 600 g jusqu’à des enfants, des adolescents et des mères de dizaines de kilos, il n’y a pas de dose moyenne comme chez les adultes, qui permettrait rapidement de se rendre compte d’une telle erreur », mentionne Jean-François Bussières. 

Pour limiter ces risques liés à la distraction, différentes mesures ont été mises en place, telles que la photographie des étapes de préparation et l’affichage des tâches sur écran. 

Des solutions pour un environnement moins bruyant

Grâce aux résultats de la première étude, plusieurs améliorations ont pu être intégrées dans la conception des nouveaux locaux de la pharmacie en 2022.  

« Ainsi, l'isolation de la zone de saisie et de validation des ordonnances a contribué à réduire considérablement le niveau sonore. C'est une zone névralgique où des personnes répondent au téléphone et analysent sur des écrans les ordonnances de la journée. C'est aussi le lieu où l’on vient faire le point, raconter ce qui est arrivé et en même temps placoter. Cet endroit peut devenir très bruyant, alors même qu’on y effectue des tâches qui demandent une grande concentration », indique Jean-François Bussières. 

Il poursuit : « Grâce aux travaux réalisés, cet espace est devenu un aquarium dans lequel on rentre et il n'y a plus de bruit : on a sorti les médicaments, utilisé des surfaces qui réduisent la réverbération du bruit, limité grandement le bruit des téléphones et rajouté des casques. »  

Cela a permis de passer de 60 à 50 dBA. Un résultat impressionnant en termes de confort et de performance, selon Tony Leroux : « Sur le plan acoustique, on va le ressentir comme s’il y avait deux fois moins de bruit », dit-il. 

Un modèle qui pourrait inspirer d'autres établissements

Cette étude pionnière met en évidence la nécessité d'intégrer la dimension acoustique dans la conception des pharmacies hospitalières, un aspect souvent négligé faute de normes spécifiques.  

Au dire des chercheurs, la mise en place de standards acoustiques propres aux pharmacies hospitalières pourrait permettre d’optimiser les conditions de travail des pharmaciens et du personnel technique et d’améliorer la qualité des soins.  

« Le but de cette cartographie est de constituer une référence. Notre objectif est de reproduire cette étude dans d’autres services de pharmacie afin de formuler des recommandations concrètes pour l’aménagement de ces lieux », conclut Jean-François Bussières. 

À l’avenir, cette recherche pourrait encourager des changements structurels à plus grande échelle, influençant la conception des hôpitaux. En intégrant ces recommandations dès la phase de planification des infrastructures hospitalières, il sera possible d’améliorer durablement le bien-être des professionnelles et professionnels de la santé et de garantir une prise en charge optimale des patientes et patients. 

À propos de l'étude

L'étude « Description of Noise Levels in a Pharmacy Department at a University Hospital » par Ilona Béatrix, Elsa Bonnabry, Maxime Thibault, Suzanne Atkinson, Tony Leroux et Jean-François Bussières, a été publiée dans Noise & Health.

Autre source / renseignements

Virginie Soffer, UdeM Nouvelles

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Mise à jour le 8 avril 2025
Créée le 8 avril 2025
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