MONTRÉAL, LE 8 JANVIER 2025 – Pourrait-on recourir à un médicament déjà disponible contre le cancer pour traiter certains enfants atteints du syndrome de Noonan (SN)? C’est ce que permet d’envisager une nouvelle étude rétrospective réalisée par un vaste partenariat international de recherche regroupant 27 institutions. Les résultats sont publiés aujourd’hui par un groupe international de chercheuses et chercheurs, dont la Dre Cordula Wolf de l’Université de Münich, le Dr Martin Zenker de l’Université de Magdeburg, le Dr Bruce D. Gelb de l’Université Mount Sinai et le Dr Gregor Andelfinger, clinicien-chercheur au CHU Sainte-Justine.
Dans cette étude, l’équipe a analysé les dossiers cliniques de 61 patientes et patients atteints du SN présentant un épaississement du muscle cardiaque. Ils ont été admis, entre 2000 et 2023, à l’un des 23 centres hospitaliers participants (10 pays). Environ la moitié des patientes et patients ont reçu le traitement habituel, alors que l’autre moitié comparable a aussi reçu un traitement compassionnel de trametinib. Ce médicament, développé en premier lieu pour le traitement du cancer, permet d’inhiber la protéine MEK qui est suractivée dans les cellules des enfants atteints du SN, engendrant un épaisissement pathologique des parois cardiaques.
Résultats : sur trois ans, les enfants recevant le traitement habituel seul avaient 80% de probabilités de subir une chirurgie, une transplantation cardiaque, ou de mourir. Ces probabilités tombaient à 20% pour les enfants dont le traitement habituel était supplémenté avec du trametinib. « C’est majeur comme différence, s’exclame le Dr Andelfinger, également professeur titulaire au département de pédiatrie de l’Université de Montréal. À l’heure actuelle, aucun traitement ne permet de s’attaquer à la cause du problème, c’est-à-dire l’hyperactivation d’une protéine dans les cellules des muscles cardiaques. Notre étude donne pour la première fois un signal d’efficacité très fort sur un groupe de traitement statistiquement important. »
Vers un essai clinique
Dans une première étude de plus petite envergure publiée en 2019, le Dr Andelfinger et ses collègues avaient déjà observé des effets positifs semblables du trametinib chez deux bébés avec une hypertrophie cardiomyopathique due au SN. L’étude rétrospective publiée aujourd’hui apporte des éléments de preuve supplémentaires, qui permettent de croire au potentiel de ce traitement pour prévenir les complications cardiaques chez les bébés atteints du SN et d’autres pathologies similaires. C’est pourquoi les chercheurs travaillent actuellement à la mise sur pied d’un essai clinique international qui pourra permettre d’en démontrer l’efficacité large spectre et dans certains cas particuliers.
« Certains enfants ne répondaient pas au traitement compassionnel de trametinib, pour des raisons qui restent à être validées, précise le Dr Andelfinger. Malgré tout, les données préliminaires publiées aujourd’hui semblent indiquer que ce traitement pourrait nous permettre, à terme, d’améliorer le pronostic pour la grande majorité de nos patients. »
À propos du Syndrome de Noonan
Le SN est une maladie rare due à une mutation génétique, qui se caractérise par un ralentissement du développement de plusieurs parties du corps menant notamment à une petite taille et à traits particuliers du visage. Le SN peut entraîner plusieurs complications, en particulier au niveau cardiaque. Environ un enfant sur 2 500 serait porteur de cette mutation et, de ce nombre, un sur cinq développerait une cardiomyopathie hypertrophique. Cette complication cardiaque entraîne le décès de plus de la moitié des bébés atteints et ce, avant l’âge d’un an. Les traitements actuellement disponibles visent à atténuer les symptômes de la maladie et à en gérer les complications.