MONTRÉAL, le 5 novembre 2025 - À l’occasion du Mois de sensibilisation aux maladies inflammatoires de l’intestin (MII), pleins feux sur les travaux de la Dre Jessica Breton, gastroentérologue pédiatrique et clinicienne-chercheuse au CHU Sainte-Justine. Ses recherches sur le lien entre alimentation, microbiome intestinal et inflammation pourraient transformer la prise en charge des jeunes atteints de colite ulcéreuse ou de la maladie de Crohn. Alors que les traitements actuels ciblent principalement le système immunitaire, elle explore une voie complémentaire et prometteuse : et si l’alimentation devenait une composante essentielle du traitement des MII?
L’alimentation influence le microbiome, surtout chez les enfants atteints d’une MII
Dans une étude publiée à l’hiver dernier, la Dre Breton a démontré qu’une alimentation pro-inflammatoire modifie le microbiome intestinal, mais uniquement chez les enfants atteints d’une MII. Une diète riche en viande rouge et en aliments ultra-transformés, et pauvre en fibres, vitamines et minéraux, était associée à une diminution de la diversité bactérienne et à une augmentation du nombre et de la virulence des bactéries E. coli, connues pour leurs effets nocifs sur l’intestin dans les cas de maladie de Crohn. À l’inverse, les jeunes qui privilégiaient une alimentation de type méditerranéenne – centrée sur les fruits, les légumes et les aliments peu transformés – avaient un microbiome à la fois plus riche et moins virulent.
« Le microbiome est généralement stable et résilient, mais chez les personnes atteintes d’une MII, il devient vulnérable face aux facteurs environnementaux, souligne la Dre Breton. C’est pourquoi, bien que tout le monde bénéficie d’une alimentation saine, c’est encore plus crucial pour les personnes vivant avec une colite ulcéreuse ou la maladie de Crohn. »
L'inuline, une fibre aux effets anti-inflammatoires prometteurs
Outre une transformation complète de l’alimentation, est-il possible d’introduire des nutriments ciblés ayant un effet bénéfique sur le microbiome? C’est la question que s’est posée la Dre Breton en étudiant l’inuline, une fibre prébiotique naturellement présente dans certains végétaux. « J’ai porté mon analyse sur les fibres alimentaires car celles-ci nourrissent les bactéries intestinales capables de les métaboliser et agissent comme un véritable fertilisant pour le microbiome », précise-t-elle.
Pour évaluer les effets de l’inuline sur le microbiome, la clinicienne-chercheuse a mené la première étude randomisée pédiatrique sur le sujet, dans laquelle des enfants atteints de MII ont consommé de l’inuline quotidiennement pendant huit semaines en association avec leur traitement habituel. Les analyses métagénomiques et métabolomiques des échantillons de selles ont révélé une plus grande diversité bactérienne chez les enfants ayant pris de l’inuline, notamment une augmentation des bactéries productrices de butyrate – une molécule reconnue pour ses propriétés anti-inflammatoires et son rôle protecteur sur la muqueuse intestinale. Toutefois, ces effets ne se maintenaient pas après l’arrêt de la consommation, ce qui souligne l’importance d’une prise continue à long terme pour en tirer des bénéfices durables. Une deuxième phase du projet est en cours, avec pour objectif d’identifier des marqueurs biologiques permettant de prédire quels enfants répondront favorablement à ce type de traitement. À terme, cette démarche vise à adapter les interventions au profil unique de chaque patiente et patient, afin de privilégier les approches thérapeutiques les plus efficaces.
Une vision thérapeutique novatrice
En définitive, les recherches de la Dre Jessica Breton ouvrent la voie à des approches thérapeutiques plus ciblées et plus efficaces pour les enfants atteints de MII. Plutôt que de se limiter aux traitements conventionnels centrés sur le système immunitaire, elle propose une stratégie combinée intégrant aussi la modulation du microbiome. Grâce à une approche personnalisée et intégrative, ses travaux s’inscrivent pleinement dans une approche de santé de précision, visant à adapter les interventions en fonction du profil unique de chaque patiente et patient et d’améliorer durablement la qualité de vie des enfants touchés par une MII.
à propos des études
L’article « A pro-inflammatory diet is associated with growth and virulence of Escherichia coli in pediatric Crohn’s disease » est publié par Jessica Breton et coll. dans le Journal of Crohn's and Colitis.
Les résultats de la recherche sur l’effet de l’inuline ont été présentés en mai 2025 au congrès Digestive Disease Week et sont disponibles sur abonnement : https://www.gastrojournal.org/article/S0016-5085(25)01539-2/abstract
La Dre Breton a bénéficié d’une bourse de développement de carrière de la Crohn’s and Colitis Foundation pour cette étude.