Mise en situation
Il y a quelques années, mon monde s’écroulait.
Ma vie était mon doctorat. Je travaillais entre 10 heures et 20 heures par jour, tout tournait autour de mon but ultime, mon rêve : faire mon doctorat, trouver un postdoc et appliquer pour devenir chercheur*. J’étais impliqué dans tout, je disais oui à tout.
Vers la fin de l’été, un problème de communication et de compréhension mène à un événement, et s’en suit un bris de confiance entre mon superviseur et moi. Ce bris de cette confiance a été le premier coup sur ma propre confiance en moi.
D’un commun accord (et aussi fortement poussé par la pandémie mondiale qui avait lieu en même temps), j’ai commencé à écrire ma thèse et je suis sorti du laboratoire. Alors que j’avais terminé d’écrire ma thèse et que j’attendais les corrections, je postulais auprès de laboratoires pour réaliser un postdoctorat. Un de ceux-ci était parfait, une science qui m’intéressait, il était prêt à investir en moi (puisque je n’avais pas mes propres fonds) et il y avait une belle chimie lors des entrevues. Or, la référence fournie par mon superviseur n’a pas été celle que j’espérais et le laboratoire a finalement décliné ma candidature. Ceci a été le deuxième coup sur ma confiance.
Cela m’apparaissait injuste et inacceptable. Cependant, ce deuxième coup m’a ouvert les yeux. C’est ainsi que commença mon cheminement pour passer à travers cette tempête.
La tempête
Cette situation a mené à l’éveil d’émotions en moi que je ne savais même pas possible : la honte, le sentiment d’injustice, les remises en question constantes, le désespoir, la perte d’estime de soi et j’en passe. Tout ça menant à un profond malheur. Je pensais à cette situation jour et nuit, je ne dormais plus, je m’alimentais par nécessité et j’essayais de ne pas sombrer dans des idées destructrices. Ceci dit, j’ai toujours été quelqu’un d’optimiste qui fonce dans la vie. Donc, je me suis concentré sur les moyens de m’en sortir.
Les bouées, les rames et les bateaux
Ne reste pas seul. Durant toute cette histoire, j’étais bien entouré. Mon partenaire, ma famille, mes amis, mes pairs étudiants et plusieurs chercheurs ont validé mes émotions, mes sentiments et m’ont partagé leur perception de la situation qui confirmait le fait que je n’étais pas fou de vivre ces tourments et que la situation était injuste. Mon entourage était à l’écoute et me donnait le réconfort et le soutien dont j’avais besoin pour m’accrocher et continuer d’espérer que les choses se placeraient. Ils étaient mes bouées de sauvetage.
Fais ce que tu aimes. Pour ne pas me laisser sombrer dans des pensées irrationnelles et destructrices, j’ai essayé de remplir mon cerveau, mes pensées et mon attention sur des choses que j’aimais profondément faire ou qui me changeaient les idées. Je me devais de trouver des choses qui allumaient ma petite flamme intérieure, pour qu’elle ne s’éteigne pas. Alors, je me suis concentré sur des passe-temps qui me rendaient vraiment heureux, malgré le confinement et la pandémie mondiale. C’étaient aussi des bouées qui me gardaient la tête hors de l’eau.
Identifie tes alliés. Lorsque tu n’as plus la tête sous l’eau, tu peux penser à trouver des solutions. Dans la situation où tu perds la personne en qui tu avais confiance tu dois trouver des alternatives. C’est à ce moment que ton réseau professionnel devient important. Dans ma situation, certaines personnes clés ont cru en moi et m’ont fourni des rames pour avancer doucement. Ces personnes m’ont donné tout le soutien qu’ils pouvaient dans le rôle qu’ils avaient, mais elles m’ont surtout accompagné et ont pu me donner des références pertinentes.
Ouvre tes horizons. Maintenant que j’avançais à nouveau, pas nécessairement vite, mais j’avançais quand même, je pouvais me poser la question : où vais-je ? Depuis le premier stage que j’ai fait en recherche pendant mon baccalauréat, je savais où je me dirigeais et j’y allais à toute allure, avec toute mon énergie et ma passion. Maintenant que j’avais vécu cette énorme tempête, j’étais un peu déboussolé. Alors, je me suis questionné sur mes intérêts réels, en sciences et dans la vie en général. À cet instant, j’avais abandonné l’idée de me trouver un postdoctorat. Alors, j’ai ouvert mes horizons et j’ai envoyé mon curriculum vitae et ma lettre de motivation aux endroits que j’avais identifiés comme étant alignés avec mes intérêts les plus sincères et ce, sans attendre qu’un poste soit ouvert. J’étais déterminé à trouver quelque chose d’intéressant pour faire suite à mon doctorat, pas nécessairement quelque chose que je planifiais de faire, mais tout de même quelque chose que j’allais potentiellement trouver intéressant. C’est ainsi que j’ai été appelé pour passer une entrevue pour un emploi surprenant qui allait me faire découvrir un domaine fascinant dans lequel je travaille encore aujourd’hui. Ce fut mon nouveau bateau.
Les bateaux
Même si j’avais trouvé ce que j’allais faire pour la suite des choses, ma confiance scientifique, elle, ne s’était pas encore remise de cette tempête. J’ai commencé cet emploi sans aucune attente, mais certain de vouloir regarder à l’horizon et me laisser porter par le vent, pour un temps, afin de gagner de l’expérience en mer. L’équipage qui m’a accepté sur leur bateau était formidable, ils ont tous cru en moi, ils ont vu qui j’étais et ils m’ont fait confiance avec des responsabilités qui m’ont permis de me reconstruire petit à petit. Ce n’était pas de la recherche fondamentale comme j’avais l’habitude de faire, c’était différent, mais tout aussi intéressant. Ce premier bateau et surtout certaines personnes sur ce bateau, m’ont fait réaliser tout le potentiel que j’avais pour la recherche, ils ont souligné mon leadership naturel et m’ont redonné tranquillement la confiance en moi que j’avais perdue.
Ce regain de confiance m’a emmené à vouloir reprendre le voyage vers la carrière de chercheur que j’ai toujours rêvé d’avoir. J’ai donc recommencé à postuler pour des postdocs. J’ai fait appel à d’autres références et quand on me posait la question en entrevue, j’étais très honnête avec la situation et je l’ai expliquée simplement. Le laboratoire qui m’a engagé a contacté un chercheur chez qui j’avais fait un stage pendant mon baccalauréat et il m’a donné une excellente référence. Ce professionnalisme m’a aussi redonné confiance en moi, et m’a fait réaliser que la confiance d’une seule personne, aussi importante soit-elle dans ta vie, ne peut pas redéfinir ou définir toutes les relations professionnelles que tu as eues dans le passé, ni que tu auras dans le futur.
Ainsi, je suis présentement sur un autre bateau, mon postdoc, entouré de gens qui croient encore plus en moi et qui me soutiennent tous les jours, des gens qui m’élèvent et qui me valorisent à toutes les occasions qui se présentent. Je fais partie d’un équipage qui me fait confiance et qui continue de me reconstruire jour après jour. C’est un travail de longue haleine qui ne se fait pas du jour au lendemain. Le temps arrange les choses, mais bien s’entourer accélère le processus assurément.
Après la tempête vient le beau temps
Pour conclure, j’aimerais vous dire que si vous vivez une situation similaire, accrochez-vous. Oui, ça brasse, ça fait mal, on ne voit pas le soleil, mais essayez tout de même d’identifier les bouées qui sont autour de vous pour vous aider à la traverser. Par la suite, lorsque votre tête sera sortie de l’eau, vous allez pouvoir mettre votre énergie à trouver comment avancer, tranquillement pour commencer, mais avancer quand même. Une de mes missions de vie à l’avenir, lorsque j’aurai mon propre bateau, ce sera de mettre en place des systèmes qui ne viseront pas à secourir les étudiants en naufrage, mais bien prévenir les cataclysmes destructeurs et équiper les flottes d’outils qui leur permettront de mieux naviguer les tempêtes.
D’ici ce temps-là, accrochez-vous, le soleil revient toujours.
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