MONTRÉAL, le 4 octobre 2021 – L'idée parfois véhiculée voulant que les troubles d’abus et de dépendance à l’alcool, au cannabis, et à d’autres drogues conduisent à des tendances suicidaires chez les adolescents et les jeunes adultes est remise en question par les résultats d’une nouvelle étude menée au CHU Sainte-Justine et à l’Université de Montréal (UdeM) et publiée dans la revue PLOS ONE.
«Pour la toute première fois, notre méta-analyse révèle que les probabilités que la tendance suicidaire précède les troubles liés à l'utilisation de substances sont tout aussi fortes», indique Charlie Rioux, diplômée du programme de doctorat au Département de psychologie de l’UdeM et au Centre de recherche du CHU Sainte-Justine, et première auteure de l’étude.
Adolescence : une période difficile
L'adolescence est souvent une période de grande vulnérabilité, de découverte et de recherche d’autonomie. Certains jeunes, pour diverses raisons, se tourneront vers la consommation de substances et se verront également aux prises avec des pensées et des comportements suicidaires.
La consommation problématique de substances chez les jeunes et les troubles concomitants ont de multiples conséquences néfastes physiques et psychologiques. En parallèle, les tendances suicidaires, qui apparaissent et culminent généralement à l'adolescence, sont souvent le reflet d'autres problèmes de santé mentale.
Plusieurs études ont montré que le lien entre la consommation de substances et la vulnérabilité aux idées suicidaires chez les populations adolescentes et adultes pourrait s'expliquer sur le plan du développement par quatre hypothèses.
Ici, l'équipe de recherche s’est concentrée sur 1) l’hypothèse que les troubles liés à la consommation de substances conduisent aux tendances suicidaires par une augmentation de la détresse psychologique et de l'impulsivité, ou une dépression induite par une substance, entre autres, et 2) l’hypothèse de l’automédication ou de l'utilisation de substances pour se faire accepter par ses pairs, afin de faire face aux idées suicidaires.
«Bien que plusieurs méta-analyses portant sur l'association entre la consommation de substances et les tendances suicidaires aient été menées récemment, aucune n’a permis d’établir comment elles peuvent s’influencer mutuellement», précise Natalie Castellanos-Ryan chercheuse au CHU Sainte-Justine et professeure agrégée à l’École de psychoéducation de l’UdeM.
25 études sous la loupe
La méta-analyse a examiné 25 études publiées portant sur ces associations.
Elle met en évidence un biais dans la recherche, celui d’avoir négligé le fait que les jeunes peuvent utiliser des substances pour faire face à leurs pensées suicidaires. L'étude met également en lumière le fait que les modèles de recherche de la grande majorité des études actuelles ne permettent pas de clarifier de quelles manières les troubles liés à l'utilisation de substances et aux tendances suicidaires peuvent se développer ensemble.
Selon Jean Séguin, chercheur au CHU Sainte-Justine et professeur titulaire au Département de psychiatrie et d'addictologie de l’UdeM, «si l’on veut diagnostiquer et traiter de manière appropriée et efficace le jeune en détresse, il est primordial de clarifier ces questions. En clinique, les intervenants ont tendance à se concentrer sur un problème ou l'autre, car les services de santé mentale et de toxicomanie ne sont souvent pas bien intégrés dans les soins d’urgence ou de première ligne».
Une vigilance s’impose
L'étude suggère que les troubles associés doivent être évalués et traités de manière concomitante et que les cliniciens doivent être vigilants quant à l'initiation à la consommation de substances chez les jeunes patients présentant des pensées ou des tentatives suicidaires.
«Une meilleure compréhension de l'association développementale et bilatérale entre la consommation de substances et les tendances suicidaires et comment celles-ci peuvent changer au cours des périodes de développement permettra d’améliorer les programmes de prévention et d'intervention selon le groupe d’âge», conclut Charlie Rioux.
À propos de l’étude
L’article «Substance use disorders and suicidality in youth: A systematic review and meta-analysis with a focus on the direction of the association», écrit par Charlie Rioux, est paru en août 2021 dans la revue PLOS ONE. L’étude a été soutenue par le Fonds Monique Gaumond pour la recherche en maladies affectives, les Instituts de recherche en santé du Canada, le Fonds de recherche du Québec – Santé, la Fondation américaine pour la prévention du suicide et le Réseau québécois sur le suicide, les troubles de l’humeur et les troubles associés.
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À propos du Centre de recherche du CHU Sainte-Justine
Le Centre de recherche du CHU Sainte-Justine est un établissement phare en recherche mère-enfant affilié à l’Université de Montréal. Axé sur la découverte de moyens de prévention innovants, de traitements moins intrusifs et plus rapides et d’avenues prometteuses de médecine personnalisée, il réunit plus de 210 chercheurs, dont plus de 110 chercheurs cliniciens, ainsi que 450 étudiants de cycles supérieurs et postdoctorants. Le centre est partie intégrante du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, le plus grand centre mère-enfant au Canada.
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