Le cortisol salivaire matinal des enfants au moment de leur entrée à la maternelle confirme qu’ils vivent bel et bien un stress… qui est tout à fait normal.
La transition vers la maternelle entraîne une hausse généralisée et normale de l’hormone du stress – le cortisol – chez les enfants au cours des deux semaines qui suivent la rentrée scolaire. Cette augmentation s’estompe ensuite chez certains enfants, mais pas chez d’autres.
C’est ce qu’indiquent les résultats d’une étude menée par une équipe du Centre de recherche du CHU Sainte-Justine et de l’Université de Montréal qui a analysé les échantillons de salive prélevés chez 384 enfants qui ont fait leur entrée à la maternelle en 2017 ou en 2018.
«On se préoccupe souvent de la manière dont les enfants vivent la transition vers la maternelle et différentes mesures sont recommandées pour préparer les enfants à affronter les défis de la transition scolaire, dit Maggy Leblond, auteure principale de l’étude. Mais la science appuyant ces recommandations demeure limitée.»
Si certaines études à petite échelle ont relevé une hausse du niveau de cortisol chez les enfants qui entrent à la maternelle, hausse qui aurait pour fonction de favoriser l’adaptation de l’enfant, on ignorait jusqu’ici à quel moment la concentration de cette hormone commence à augmenter et pendant combien de temps elle demeure élevée.
Cinq mesures sur cinq mois
Parue récemment dans la revue Psychoneuroendocrinology, l’étude, soutenue par les Instituts de recherche en santé du Canada, avait pour objectif d’examiner trois types de réponses de stress à divers moments de la transition scolaire:
- anticipatoire (prélèvements effectués à la fin juin et deux semaines avant la rentrée);
- lors de l’entrée à l’école (première et deuxième semaines de maternelle);
- adaptative (deux mois après le début des classes, soit en novembre).
Au total, l’équipe de recherche a analysé plus de 1700 échantillons.
Les données ont révélé que globalement les niveaux de cortisol des enfants n’ont pas augmenté au cours de la période anticipatoire. Cependant, ils ont grimpé considérablement dans la première semaine de leur arrivée à la maternelle et se sont accrus de manière graduelle durant la semaine suivante.
Puis, deux mois plus tard, ces niveaux étaient revenus à la normale chez certains enfants, ce qui reflète une adaptation à leur nouvelle situation, alors qu’ils demeuraient toujours élevés chez d’autres.
Un stresseur qui perdure chez certains enfants
Selon Jean Séguin, chercheur au CHU Sainte-Justine, professeur titulaire au Département de psychiatrie et d'addictologie de l’UdeM et directeur de thèse de Maggy Leblond, «cette augmentation, qui n’a pu être associée à aucune des caractéristiques sociodémographiques des enfants, soutient l’hypothèse que l’entrée à l’école est un stresseur environnemental normatif, c’est-à-dire que la majorité des enfants réagissent physiologiquement à la rentrée scolaire».
Cependant, la chercheuse Sophie Parent, du CHU Sainte-Justine et professeure titulaire à l’École de psychoéducation de l’UdeM, qui a aussi contribué à l’étude, s’interroge sur le fait que, chez une proportion non négligeable d’enfants, «les niveaux de cortisol demeuraient élevés après deux mois d’expérience scolaire».
«Nous ne savons pas encore clairement ce qui explique ces différences et ce qu’elles disent de la réponse adaptative», conclut Maggy Leblond, dont les prochains travaux examineront justement ce qui pourrait différencier les enfants qui s’adaptent physiologiquement plus vite de ceux qui s’adaptent moins rapidement, et les façons de mieux préparer les nouveaux élèves à leur vie en classe.