Montréal, le 24 janvier 2024 – Les adultes nés très prématurément auraient une moins bonne santé cardiorespiratoire que ceux nés à terme, selon une nouvelle étude dirigée par les Dres Thuy Mai Luu et Anne Monique Nuyt, chercheuses au CHU Sainte-Justine. Les résultats, publiés dans le European Respiratory Journal, suggèrent fortement que les personnes nées avant terme ont une atteinte musculaire due à la prématurité, ce qui diminue leur capacité à l’exercice. Heureusement, des résultats préliminaires complémentaires obtenus au sein du même laboratoire permettent de croire qu’une partie de cet impact pourrait être corrigé grâce à de l’exercice physique régulier.
L’étude ouvre ainsi de nouvelles perspectives de recherche et d’intervention non pharmacologique pour soutenir la santé des personnes nées avant terme, et souligne l’importance de tenir compte de la prématurité dans les suivis médicaux à tous les âges.
Une capacité réduite à l’exercice
Afin d’évaluer la capacité à l’exercice, l’équipe de recherche a mesuré la consommation d’oxygène au pic de l’effort (ou « VO2 max ») et analysé la fonction cardiaque chez 71 adultes entre 18 et 29 ans nés à moins de 30 semaines d’âge gestationnel, tirés de la cohorte HAPI (« Health of Adult Preterms Investigation »), ainsi que chez 73 personnes du même groupe d’âge nées à terme.
Résultats : les participantes et participants nés prématurément avaient une consommation d’oxygène significativement plus basse à l’effort que ceux nés à terme, mais pas de différence au niveau de la fonction cardiaque. La réduction de la capacité à l’exercice était encore plus importante pour les individus qui avaient été hospitalisés plus longtemps aux soins intensifs suivant leur naissance. « Ces résultats permettent de croire que la fonction et le métabolisme musculaires sont affectés par la prématurité, explique la Dre Anne Monique Nuyt, chef du département de pédiatrie et professeure à l’Université de Montréal. Jusqu’à maintenant, les recherches ont surtout porté sur l’impact de la prématurité sur le cerveau, les poumons et le cœur. L’étude ouvre ainsi un tout nouveau champ de recherche. »
Bonne nouvelle : ces conséquences négatives pourraient être renversées grâce à de l’exercice physique régulier. C’est ce que suggère une autre étude, publiée dans Medicine & Science in Sports & Exercise et réalisée sur 21 individus de la cohorte HAPI. Ces derniers, ainsi que 37 jeunes adultes nés à terme, ont en effet vu leur capacité à l’effort physique augmentée suite à un programme supervisé d’exercices sur 14 semaines. « Ce sont des résultats préliminaires très encourageants, se réjouissent Dre Thuy Mai Luu, chercheuse au Centre de recherche Azrieli du CHU Sainte-Justine et professeure à l’Université de Montréal, et son étudiante Camille Bastien-Tardif, première autrice. Cela signifie que tout comme les personnes nées à terme, celles nées prématurément peuvent améliorer leur santé cardiovasculaire en bougeant plus et en adoptant de saines habitudes de vie. D’autres études avaient démontré les bénéfices de l’activité physique chez les enfants prématurés, mais notre étude suggère que même à l’âge adulte, les impacts positifs sont au rendez-vous. »
La prématurité : un facteur médical à prendre en compte tout au long de la vie
Même chez les personnes qui se sentent en bonne santé, la prématurité serait donc un facteur de risque tout au long de la vie, au même titre par exemple que la sédentarité ou la consommation tabagique. « Les différences observées entre les deux groupes de participants ne sont pas alarmantes, nuance Camille Girard-Bock (photo ci-contre), étudiante et première autrice de l’étude publiée dans le European Respiratory Journal. Cependant, si on ajoute d’autres facteurs de risque de déconditionnement physique, comme la consommation tabagique, la sédentarité et l’avancée en âge, cela pourrait exacerber les problèmes. » D’où l’importance pour les médecins et professionnels soignants de tenir compte de la prématurité pour prévenir l’apparition de problèmes de santé et pour faire un suivi médical adéquat.
Articles cités
Delfrate J, Girard-Bock C, Curnier D, et al. Cardiopulmonary response to exercise in adults born very preterm. Eur Respir J 2023; 62: 2300503. https://erj.ersjournals.com/content/62/5/2300503
Tardif CB, Mathieu ME, Caru M, Al-Simaani A, Girard-Bock C, Cloutier A, Stickland MK, Nuyt AM, Luu TM. HAPI Fit: An Exercise Intervention to Improve Peak Aerobic Capacity in Young Adults Born Very Preterm. Med Sci Sports Exerc. 2024 Jan 1;56(1):44-52. doi: 10.1249/MSS.0000000000003279. Epub 2023 Aug 30. PMID: 37707478. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37707478/
L’étude HAPI a bénéficié du soutien financier de la Fondation CHU Sainte-Justine et des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC). Pour sa part, l’étude HAPI Fit a bénéficié d’un financement de la Fondation canadienne des maladies du cœur.