MONTRÉAL, le 19 février 2024 – Une nouvelle étude populationnelle dirigée par le chercheur Tomas Paus du CHU Sainte-Justine met en évidence les rôles respectifs des gènes maternels et fœtaux sur la croissance du cortex cérébral du bébé. Les résultats, publiés dans la prestigieuse revue Nature Communication, démontrent que les variants génétiques associés à un plus grand poids à la naissance sont aussi associés à une meilleure croissance du cortex. Néanmoins, l’abondance ou la rareté alimentaire semble influencer l’importance relative du rôle joué par ces gènes.
Des gènes qui font croître le bébé… et son cerveau
Avec le postdoctorant Daniel Vosberg, le chercheur a analysé les données du poids à la naissance et d’imagerie par résonnance magnétique (IRM) cérébrale de plusieurs milliers d’adultes inclus dans la UK Biobank, une base de données biomédicale au Royaume-Uni. Ces analyses ont permis de confirmer qu’un plus grand poids à la naissance est associé à une plus grande taille du cortex (mesuré par sa surface). De plus, il ressort que les variants génétiques présents chez la mère et chez le bébé qui sont associés au poids sont aussi associés à la surface corticale. Ainsi, chez le bébé, les gènes associés à l’action de l’insuline sont déterminants, alors que chez la mère, les variants génétiques favorables à l’élimination des toxines au niveau cellulaire jouent un rôle majeur.
Impact de l’alimentation et transmission intergénérationnelle
Les deux groupes de variants génétiques n’ont pas toujours une importance égale pour déterminer la taille du cortex. « En comparant les données par année de naissance et grâce à une modélisation statistique et une analyse des interactions au niveau cellulaire, nous avons mis en évidence le rôle épigénétique de l’exposition à des restrictions alimentaires durant la gestation ou la petite-enfance », explique Tomas Paus, également professeur à l’Université de Montréal.
Chez les personnes exposées à des restrictions alimentaires (pendant la Seconde Guerre mondiale), ce sont les gènes maternels de détoxification qui ont le plus d’impact sur la croissance du cortex. Cette caractéristique semble se transmettre d’une génération à l’autre, puisque l’association se retrouve également chez les enfants des personnes ayant été exposées à d’importantes restrictions alimentaires pendant la guerre. Chez les autres, la croissance du cortex est surtout associée aux gènes associés à l’action de l’insuline chez le fœtus.
Les analyses suggèrent que les gènes qui contrent les effets négatifs des restrictions alimentaires, notamment en termes de stress cellulaire et d’activation immunitaire, sont très importants. « En période de famine, lorsque les cellules se multiplient, il y a beaucoup plus de risque d’erreurs, précise le chercheur. Cela pourrait expliquer pourquoi, dans un tel contexte, ce sont les gènes responsables de la réparation de l’ADN qui sont déterminants pour la croissance cérébrale du bébé. »
Favoriser la croissance cérébrale dès les premiers stades de la vie
Maintenant que l’on comprend mieux les liens entre le faible poids à la naissance et la croissance cérébrale, et l’importance de la famine comme facteur médiateur, la prochaine étape consiste à évaluer la méthode optimale pour favoriser la croissance du cortex après la naissance chez les petits bébés. « Avec la Dre Thuy Mai Luu du CHU Sainte-Justine, nous lancerons prochainement un projet pilote visant à déterminer le meilleur accompagnement des bébés de petit poids pour un développement optimal de leur cerveau », se réjouit Tomas Paus.
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