MONTRÉAL, le 3 février 2021 – Une équipe de recherche canadienne dirigée par le professeur Alexey Pshezhetsky du CHU Sainte-Justine a découvert une toute nouvelle voie pathogène menant à l'athérosclérose, communément appelée le « durcissement des artères ». Ces travaux ont conduit à l’identification de nouvelles cibles thérapeutiques potentielles, soufflant un vent d’espoir pour les personnes aux prises avec cette maladie grave. Les résultats de cette étude sont présentés dans le Journal of American Heart Association.
Ici, l’équipe s’est penchée sur le rôle des enzymes neuraminidases dans le développement de l'athérosclérose. Ces enzymes, qui régulent des processus métaboliques, seraient à l’origine de l’élimination des fragments d’acide sialique présents dans le cholestérol LDL (Low Density Lipoprotein) ou plutôt « mauvais cholestérol ». Dépourvu d’acide sialique, le cholestérol s’accumulerait de manière incontrôlée.
Principale cause de décès dans le monde
L'athérosclérose est la première cause de mortalité et d’invalidité dans les pays développés. Il s’agit d’une maladie inflammatoire chronique touchant les artères de moyen et grand calibre et caractérisée par l'apparition de plaques d'athérome.
Les plaques d’athérome se forment lorsqu’il y a présence d’un excès de mauvais cholestérol qui vient boucher notre « tuyauterie ». Au fil du temps, ces dépôts s'imprègnent progressivement de produits sanguins et de calcium qui se durcissent et entravent la circulation.
La prise en charge thérapeutique de l'athérosclérose consiste à abaisser le taux de mauvais cholestérol à l'aide de statines, des inhibiteurs d’hydroxyméthylglutaryl-CoA réductase, qui diminuent la probabilité d'événements athérosclérotiques. Cependant, ce médicament ne profite qu'à environ 35 % des patients.
Nouvelle avenue de guérison prometteuse
Si de précédentes études ont démontré qu’un grand nombre de facteurs de risque contribuent à cette affection, notamment le tabagisme, l'hypertension, la prédisposition génétique, l'âge, le sexe et l'obésité, les mécanismes cellulaires, biochimiques et moléculaires sous-jacents au développement des plaques d’athérome restaient méconnus.
« Partant de l’hypothèse que les enzymes neuraminidases ont un rôle à jouer dans la maladie, nous avons démontré grâce à des modèles précliniques que l'inactivation génétique ou l'inhibition pharmacologique des neuraminidases 1 et 3 (NEU1 et NEU3) retardent considérablement la formation de stries graisseuses aortiques », explique le professeur Alexey Pshezhetsky, chercheur au CHU Sainte-Justine et professeur titulaire à l’Université de Montréal.
« Pourquoi ? Car les neuraminidases éliminent les acides sialiques dans le mauvais cholestérol, conduisant à une augmentation de son absorption par les globules blancs dans les artères. »
Effectivement, l’athérosclérose se manifeste lorsque la paroi artérielle touchée réagit en envoyant des signaux chimiques qui provoquent la fixation et la migration de certains types de leucocytes dans l'espace sous-endothélial, où ils se différencient en macrophages résidentiels. Par la suite, ces macrophages reconnaissent et absorbent le mauvais cholestérol qui s'infiltre dans l'espace sous-endothélial de la paroi artérielle. L'absorption de mauvais cholestérol par les macrophages conduit à son accumulation incontrôlée, et sa conversion en cellules spumeuses (cellules gonflées de gouttelettes de graisse) déclenche une cascade de réponses immunitaires conduisant collectivement à la formation de plaques athéromateuses créant une réduction du flux sanguin potentiellement dangereuse.
Quelles sont les implications cliniques?
Si on prend en compte le fait que l’athérosclérose est actuellement la cause la plus fréquente de crises cardiaques, d'accidents vasculaires cérébraux et de maladies vasculaires dans les pays développés, le potentiel de cette découverte pour la santé populationnelle est immense.
« Notre étude suggère que des inhibiteurs spécifiques de NEU1 et NEU3 ou des substances biologiques ciblant ces enzymes peuvent devenir des cibles médicamenteuses potentielles intéressantes pour fournir un effet préventif ou thérapeutique de l'athérosclérose », conclut le professeur Christopher W. Cairo de l’Université d’Alberta qui a contribué à générer de petites molécules d’inhibiteurs de neuraminidase en laboratoire.
La posologie et la durée optimale des médicaments devront être soigneusement évaluées dans les futurs travaux précliniques. En outre, la sécurité et l'efficacité de cette approche thérapeutique doivent encore être démontrées chez l'homme.
À propos de l’étude
L’article « Neuraminidases 1 and 3 trigger atherosclerosis by desialylating low-density lipoproteins and increasing their uptake by macrophages » a été publié en février 2021 dans le Journal of American Heart Association. Les co-premières auteures sont Ekaterina P. Demina, PhD et Viktorija Smutova, PhD, sous la direction d’Alexey V. Pshezhetsky. L’auteur principal est Alexey V. Pshezhetsky, chercheur, directeur du Laboratoire Elisa Linton pour la recherche sur la maladie de Sanfilippo et responsable scientifique du Laboratoire de génétique biochimique au CHU Sainte-Justine, et professeur titulaire au Département de pédiatrie de l’Université de Montréal.
Alexey V. Pshezhetsky et Christopher W. Cairo sont tous deux des chercheurs du Réseau canadien de la glycomique (GlycoNet), un réseau pancanadien de chercheurs qui travaillent à mieux comprendre le rôle biologique des sucres.
L’étude a été financée par GlycoNet, les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), une chaire de recherche du Canada et la Russian Science Foundation.
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À propos du Centre de recherche du CHU Sainte-Justine
Le Centre de recherche du CHU Sainte-Justine est un établissement phare en recherche mère-enfant affilié à l’Université de Montréal. Axé sur la découverte de moyens de prévention innovants, de traitements moins intrusifs et plus rapides et d’avenues prometteuses de médecine personnalisée, il réunit plus de 210 chercheurs, dont plus de 110 chercheurs cliniciens, ainsi que 450 étudiants de cycles supérieurs et postdoctorants. Le centre est partie intégrante du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, le plus grand centre mère-enfant au Canada et le deuxième centre pédiatrique en importance en Amérique du Nord.